Une société de bras cassés émotionnels

Fuir, disparaître, ne rien dire. Voilà les réflexes qui semblent dominer aujourd’hui nos interactions humaines. On préfère ignorer, bloquer, esquiver les conflits plutôt que d’assumer nos choix, nos actes, nos émotions. Ce comportement n’est pas anodin ; il est le symptôme d’une société en proie à une forme de paralysie émotionnelle.

les rêves te feront pleurer
4 min ⋅ 24/01/2025

Je suis partie. Et toi, tu n’as rien fait. Rien dit. Rien ressenti. Ton silence a été plus violent que tous les mots que tu aurais pu prononcer. Il ne s’agit pas d’un oubli ou d’une maladresse, mais d’un choix. Un choix de fuir, de laisser le sale boulot à quelqu’un d’autre, en l’occurrence à moi.

Je voulais mettre des mots sur cette souffrance de celui qui reste, celui qui doit ramasser les débris d’une relation sans explication, sans reconnaissance. Dans ce poème, je parle de la fragilité de l’autre, mais aussi de la mienne, de cette solitude imposée par l’absence de courage de celui qui ne veut pas assumer ses choix. J’ai voulu exprimer ce poids, ce fardeau, cette charge émotionnelle qu’on nous laisse sans même en être conscient. C’est comme si, dans ces moments, le silence était plus puissant que la parole. Ce poème est un cri contre cette fuite, contre l’évitement, contre ce monde où on laisse l’autre se détruire plutôt que de prendre ses responsabilités.

J’ai joué un rôle que je n’avais pas choisi : celui de celle qui tranche, celle qui décide de tout arrêter parce que toi, tu n’en as pas eu le courage. Et le pire dans tout ça, c’est que tu semblais soulagé. Soulagé de m’avoir regardée faire ce que tu n’osais pas. Ce qui m’a tuée, ce n’est pas la rupture en soi, mais ton indifférence froide, calculée. Ce regard presque reconnaissant de celui qui sait qu’il a été sauvé par la lâcheté.

La médiocrité face à ses responsabilités

C’est ce qui caractérise notre société aujourd’hui : l’évitement.
On préfère disparaître, se taire, attendre que l’autre fasse le sale boulot. On attend que l’autre dise ce qu’il ressent, que l’autre prenne l’initiative, parce qu’on a trop peur de se confronter à notre propre vide intérieur. C’est tellement plus simple de se cacher dans une pseudo-neutralité, de prétendre que tout va bien et d’espérer que l’autre se noie dans son propre brouillard.

Et puis, ce silence, cette distance, ce fameux « respect » qu’on nous vend, c’est quoi au fond ? C’est une forme de lâcheté. Une fuite déguisée. C’est ne pas vouloir affronter la vérité, ne pas vouloir dire “je t’aime plus” ou “je suis désolé”. Parce qu’affronter la vérité, c’est inconfortable. C’est difficile. Mais le pire dans tout ça, c’est qu’on nous fait croire que c’est noble, qu’on est dans la retenue, dans la classe. Mais au fond, c’est juste de l’auto-protection, une excuse pour ne pas avoir à se confronter à notre propre indifférence.

On vit dans une société où ce manque de courage est accepté, où fuir est devenu une sorte de stratégie émotionnelle. Et l’autre, celui qui reste, se retrouve à devoir tout reconstruire seul, à devoir donner un sens là où l’autre n’a même pas eu le courage de poser des mots. C’est ça, la réalité. Disparaître et espérer que l’autre fasse tout le travail. Mais au final, c’est toujours l’autre qui paie, toujours lui qui porte les conséquences.

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les rêves te feront pleurer

Par Sarra Salhi

À propos de l’auteur de …
Sarra Salhi, originaire de Lyon, est une journaliste et animatrice radio. Son inspiration révèle une sensibilité particulière à la nostalgie et à la souffrance que peut engendrer l'amour.

Elle publie en 2023 son tout premier recueil de poésie intitulé " les yeux inondés d'amour".

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